Quelques articles que ABI a mis de coté pour nous tous !:) |
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Best n° 211
- février 1986
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Polnarevient,Polnarêves, Polnaoui, Polnanon, Polnarévolution…tu nous en a toujours fait voir de toutes les couleurs. Derrière tes lunettes noires et sous ta chevelure de mouton blond se cachaient l’amour, la tendresse, la passion, la folie, la déprime et que sais-je encore. 15 ans avant Myriam, « La semaine prochaine j’enlève le bas », tu nous montrais tes fesses rondes en guise de provoc. Ta fuite hors de l’Hexagone avait tout le piment d’un roman de Dumas : même tes ennuis parvenaient à nous faire rêver. Lorsque tu es parti pour l’Amérique dans ton exil fiscal doré, ça nous a laissé un goût amer sur la langue…
1981, Michel Polnareff rides again avec « Bulles », un album sirop d’érable pour pancakes, qui coole au sommet des hit parades. De passage à paris pour deux mois, notre numéro un s’adonne aux médias de tous poils. Cet après-midi d’automne, j‘attends qu’il finisse de charmer ma consœur du Matin de Paris. Physiquement, Michel n’a pas l’air d ‘avoir changé : les mêmes cheveux et les mêmes lunettes. Il porte un survêtement blanc à l’écusson Coq de France et une paire de tennis Nikes grises , en tous points semblables aux miennes. Coïncidences.
Best : Tu fais du sport ?
Michel Polnareff : Ben oui. En principe, je me fais 8 km par jour de jogging.
B : Pourquoi avoir choisi d’enregistrer à Londres lorsqu’on est résident de l’état de Californie ?
M.P : C’est plus facile pour moi parce qu’il y pleut tout le temps. Ca évite les tentations. Je n’aime pas être bouclé à l’intérieur lorsqu’il fait beau dehors. J’ai passé quatre mois au Snake Ranch studio, à raison de 16 h par jour. Comme je composais aussi au piano, j’avais même fini par apporter mon sac de couchage. Nous avons enregistré sur un deux fois 24 pistes car je savais que j’allais faire beaucoup de voix, des chœurs et des trucs comme ça.
B : On a l’impression de voir un grand trou noir dans ta carrière depuis le départ aux U.S.A, même si, dans l’intervalle, il y a eu « Lipstick » et « Coucou, me revoilou ».
M.P : De toute façon, moi je déteste « Coucou »…c’est un disque que j’ai fait parce que j’avais un contrat à honorer avec « double vé heu huaaahhhh ». A l’époque, je n’étais pas vraiment heureux, j’avais des tas de problèmes, je me présentais en correctionnelle, je ne savais plus communiquer en français avec les Français. Tu parles d’un trou noir, moi j’appelle ça une époque noire.
On continue à discuter dans ce bureau de la rue François 1er où le téléphone n’arrête pas de sonner.
C’est moi qui avais chroniqué « Bulles » dans le best de juillet et j’avais écrit que je trouvais les textes de l’album nuls, ils étaient signés J-P Dréau. Depuis, ce monsieur raconte qu’il veut me refaire le portrait. Polna, heureusement, est d’un avis différent.
M.P : Lorsque nous avons lu le papier, Dréau était fou furieux. Moi, je suis pour la liberté d’expression : un mec qui trouve les choses dégueulasses et qui l’exprime, il n’y a pas de raison qu’il se retrouve avec un œil au beurre noir. J-P Dréau a collaboré à ces textes, mais je suis responsable des idées, de la direction, et de beaucoup de phrases clés. Elles sont différentes dans la mesure où celles d’avant étaient toujours autobiographiques.
B : Moi, ce que j’adorais dans les anciennes, c’est qu’elles savaient aussi déranger !
M.P : Tu sais, je n’ai jamais cherché à déranger systématiquement. Quand j’étais pour ou contre quelque chose, c’était pour de vrai. Je ne suis pas systématiquement contre ce qui est pour et pour ce qui est contre. Okay, je prenais position…mais il ne faut pas oublier que Michel Polnareff est parti depuis huit ans. Je ne peux pas prendre position par rapport à un pays où, à la limite, je suis obligé de ré-apprendre la langue et le langage. « Bulles » est un simple album de musique pop, rien de plus.
Michel parle de lui à la troisième personne parce qu’il pratique une sorte de dualité avec lui-même : il y a celui qui crée et celui qui regarde créer ; non, Michel ne se prend pas pour Jules César. Il refuse de remonter sur scène car il ne veut pas utiliser sas anciennes compositions : si la Californie nous l’a un peu ramolli, elle n’a pas attaqué sa grande honnêteté.
Aujourd’hui, Michel est moins parano qu’avant. Il ne refuse plus de revenir en France, même pour y vivre, mais il ne supporte plus Paris. En fait, il estime surtout qu’il est plus important de réussir Michel que Michel Polnareff, et il n’a pas vraiment tort. Pourtant, ses bulles nous éclatent entre les doigts en nous faisant regretter les hits du passé. Qui sait, peut-être le Polna provocateur nous reviendra-t-il un jour, pour tout faire sauter ?
Gérard BAR-DAVID.