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Télé Cable semaine du 26 au 4 mars 1994
Télé Cable 1991

 

 

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Il voyage en solitaire

Artiste atypique, Michel Polnareff continue d’écrire. Dans l’ombre…

Mais où est donc passé Michel Polnareff ? Il y a quelques mois encore, on pouvait le croiser au bar de l’hôtel Royal Monceau, le palace parisien situé à deux pas de l’Etoile. Baskets au pied, jogging de couleurs vives, cheveux frisés, yeux cachés derrière des lunettes noires aux montures blanches, il avait l’air d’un O.V.N.I dans cet univers feutré où la jet-set se repose, entre deux conseils d’administration. Pendant des mois, il a vécu là. Hors de la ville. Hors du temps. Hors du système. Une réclusion volontaire qui ne l’a pas empêché de travailler : c’est là qu’il a enregistré son dernier album, Kama-Sutra. Il avait transformé sa chambre en studio d’enregistrement…

Et puis, un jour, il a rendu sa clé. Depuis, on ne le voit plus, nulle part. Silence radio. Rares sont ceux comme Jean-Loup Dabadie, qui ont de ses nouvelles :

-« Dans le secret de sa nuit, dans l’extraordinaire diamant noir qu’est sa vie, je recommence à travailler avec lui. Je passe des nuits magnifiques dans sa maison perdue au milieu de la forêt, à écouter des musiques qu’il a composées, parmi les plus belles que j’aie jamais entendues. »

Nous voilà rassurés : Michel Polnareff continue d’écrire, de composer, d’inventer. Un jour, c’est sûr, il donnera signe de vie. En attendant, cet A bout portant, enregistré dans les années 70 et rediffusé par Paris Première, est une belle occasion d’en savoir un peu plus sur cet artiste hors norme, qui s’est fait bouffer par son image.

D’origine russe, fils du compositeur Léo Poll et d’une danseuse prof de claquette, premier prix de solfège du Conservatoire de Paris à 12 ans, vendeur de cartes postales, courtier en assurances, employé de banque, il commence par faire la manche sur les marches du Sacré-Cœur. Après un détour par l’Angleterre, il est remarqué par Lucien Morisse, qui lui offre son premier contrat. En 1966 paraît son premier disque, La poupée qui fait non. Premier succès. Mélodiste génial, vocaliste doué, il démode d’un coup les yéyés : avec lui, pas d’adaptations de succès anglo-saxons, rien que des chansons originales. Avec son troisième titre, L’Amour avec toi, il se met à parler d’un sujet, tabou à l’époque : l’amour physique. Protestation de l’archevêché de Paris. Qu’importe : Polnareff colle à son époque. Son optimisme (« On ira tous au Paradis », chante-t-il ) est en phase avec ces années où tout semble possible. Il incarne la liberté dans une société de consommation qui se caricature elle-même (« L’argent a tout tué / Même pour aimer / Il faut payer »). A lui tout seul, il annonce Mai 68 (« Moi je me fous de la société / Et de sa prétendue moralité » ).

Mais on n’incarne pas une génération impunément. Sa voix, qui peut monter très haut, et son look, prophétiquement bisexuel, suscitent la haine des rouleurs de mécaniques. Il y répond par une chanson. Je suis un homme. « Les gens qui me voient passer dans la rue me traitent de pédé / Mais les femmes qui le croient n’ont qu’à m’essayer. » Pas question, pour lui, de rentrer dans le rang. Pour annoncer son spectacle Polnarévolution - tout un programme - il montre ses fesses nues sur les murs de Paris. Le voilà condamné pour exhibitionnisme à soixante-mille francs d’amende. Il finit par exaspérer : il est trop fou, trop artiste. Une sale histoire avec un conseiller financier, qui se termine en embrouille avec le fisc, le laisse sans le sou. Il se fait la malle aux Etats-Unis « Au temps de l’opulence, racontera-t-il, j’avais acheté un Paris-New York sur le France, mais je n’avais jamais eu le temps de faire le voyage. J’ai fait la traversée dans la plus belle cabine avec, en poche, même pas de quoi m’offrir un Coca : je buvais l’eau du robinet. »

Il fait d’autant plus vite le tour du rêve américain qu’il ne parvient pas à percer dans les charts U.S.

Ø Jean-Loup Dabadie trouve les mots pour évoquer ses « Etats » d’âme dans une sublime chanson, Lettre

à France, qui marque son grand retour : « Depuis que je suis loin de toi / Je suis comme loin de moi / Et je pense à toi tout bas / (…) Je vis en chimérique. ». Triomphe.

Depuis, Polnareff a découvert les computers. Jusque-là, il avait toujours une partition d’avance sur les autres. Maintenant, il a deux ou trois programmes d’avance. Cette fois, le public décroche. Polnareff se claquemure. Ne le dérangez pas : il polnarêve. Bertrand Tessier .

Ø Remarque de la copiste de service à Si l’on se réfère au livre Le Roi des Fourmis - page 142-, c’est plutôt Pierre Delanoë qui est l’auteur des paroles de Lettre à France.