Quelques
articles que ABI a mis de coté pour nous tous !:) |
MULTITOP, avril 90 |
|||
Retour à la page précédente |
EXCLUSIF MICHEL POLNAREFF - « KÂMA-SûTRa me revoilà »
ENTRE ET REALITER
EVENU « INCOGNITO » EN 1985, MICHEL POLNAREFF EST AUJOURD’HUI DÉCIDÉ à APPARAÎTRE EN PLEINE LUMIÈRE.SEULEMENT, IL TIENT à CHOISIR LUI-MÊME SON ÉCLAIRAGE . ALORS, IL TAMISE ET NOUS TIRE SA
POLNAREFFERENCE EN NOUS OFFRANT SA VERSION DU « KÂMA-SÛTRA ». par Gilbert JOUIN.L
’Enchanteur est de retour ! Magic Michel a de nouveau posé ses doigts sur un clavier et sa voix a retenti, aérienne, inaltérée… Trois ans d’un artisanat méticuleux, trois ans de pinallailage, trois ans entièrement consacrés à la confection maniaco-perfectionniste d’un album qui compte peut-être plus que tous ceux qui l’ont précédé : « J’adore cet album. J’en suis vraiment content . »Michel Polnareff jouit de la certitude du travail bien fait. Félin tapi dans sa tanière, bien à l’aise dans la pénombre du piano-bar, le regard abrité derrière ses mythiques lunettes à monture blanche, le cheveu châtain, parsemé de fils blancs, retombe sur les épaules, la barbe affiche trois jours et le tee-shirt largement échancré, bariolé, affiche lui en lettres rouges le mot « Rythm ». L’artiste présente encore pour quelque temps l’image du créateur peu soucieux de son look ; Pour le moment, il est toujours en salle des machines, son bateau, baptisé « Kâma-Sûtra » vient de prendre la mer, mais son capitaine reste en bleu de chauffe. Il attend une escale dont il décidera lui-même l’endroit et l’heure pour apparaître enfin sur le pont, face aux éléments déchaînés, transformé, métamorphosé, transfiguré. Le cheveu sera redevenu blond platine et la tenue, immaculée. Orphée jaillira des enfers en habit de lumière et, à son signal, « Nous irons tous au Paradis ». Et la foule/houle mugira ; longue plainte d’amour d’un public trop longtemps délaissé qui retrouve enfin la passion et s’offre sans pudeur aux caresses de cette voix ensorceleuse à nulle autre pareille.
( Ouaaaah !!! quel lyrisme débridé !!! J )M
ichel se montre aussi scrupuleux dans le choix de ses mots que dans l’élaboration de ses musiques. La voix reste douce, même quand il rectifie les faux-sens de son interlocuteur. Michel est d’abord un homme de dialogue et il aime expliquer son travail : « Je fais invariablement les musiques en premier. Ce disque est un mélange d’acoustique, d ‘électrique, avec de vraies cordes et de vrais musiciens. On a utilisé les techniques les plus modernes au service d’une musique « live ». Pendant des mois je n’ai pas quitté l’hôtel ; je n’ai rien vu, rien écouté pendant trois ans. Pour me détendre, éventuellement, je me passais des séries américaines que j’avais déjà vues 20/30 fois. Il me fallait toujours rester concentré, ne pas me disperser ; concentré, mais pas prêt à partir…Je ne me sentais donc ni zombi, ni cloîtré. Un camion mobile venait se garer devant l’hôtel quand j’en avais besoin pour la voix ou pour certains claviers. »On ne peut pas dire que la démarche artistique de Michel Polnareff soit vraiment ordinaire. Son amour, souvent mal interprété, de la provocation, l’opinion plutôt flatteuse qu’il a de lui, en font un être totalement à part dans le show-biz international : « Je suis un homme de défis. Il n’y a que ça qui m’intéresse. J’ai toujours eu quinze ans d’avance. « Toi et moi », la chanson sur le sida, me conforte dans l’idée que je suis encore capable de prendre des risques. « LNA HO » est, à ma connaissance, la première chanson écrite entièrement en phonétique. Une seule chose me motive : me dépasser. Et ma seule envie est de continuer à faire rêver les gens, car j’ai toujours eu le plus grand respect pour le public. Le public, je ne peux pas m’en passer sinon je chante dans ma salle de bains et je deviens l’homme le plus propre du monde… »
Cet amoureux des mots a pourtant pour eux la plus grande méfiance quand il s’agit de les juxtaposer à ses musiques : « L’écriture des textes est la période la plus difficile, car elle peut sublimer ou limiter une mélodie . »
Cette fois, il semble satisfait de sa collaboration avec Jean-René Mariani. Ils ont ciselé ensemble tous les lyrics de l’album, s’attachant d’abord aux sonorités. Toutefois, ce disque abonde en messages plus ou moins codés, et Michel tient à préciser certaines idées : « La chanson-titre de l’album, « Kâma-Sûtra », évoque ce que des extra-terrestres découvriraient en prenant pied sur notre planète après son anéantissement : ils déduiraient inévitablement que la chose la plus importante sur terre était le sexe. Et si j’ai écrit une chanson sur le sida, c’est avant tout pour dédramatiser, pour exorciser ma peur. Il faut essayer de rire des choses dont on a peur. Le sida me fout complètement la trouille et j’y fais forcément attention. Alors, si je chante « Y’a pas l’sida », c’est un peu comme quand on dit « y’a pas l’feu », on sait bien cependant que le feu existe…Mais un jour, j’en suis certain, il n’y aura plus le sida. »
P
ensivement, Michel sirote sa vodka. Il sait bien qu’un jour prochain son disque ne suffira plus aux gens, et qu’il lui faudra à son tour s’offrir en pâture : « Le plus important, c’est l’album. Il parle pour lui-même. Son écoute est pour moi plus essentielle que tous les passages à la télé. Et si je dois devenir célèbre, j’espère que ce ne sera pas pour mon image, mais par reconnaissance artistique. Or, je sais que le moment viendra où il faudra que je sorte ; et mon prochain défi sera la scène. J’en ai le projet, je ne sais pas encore dans quelle salle, tout ce dont je suis sûr c’est que ce sera à Paris et au cours de ce siècle-ci.Allons, il ne reste plus qu’une décennie avant l’An 2000. Quand on sait qu’il y a aujourd’hui dix-sept ans que Michel Polnareff n’est pas réapparu sur une scène, on a déjà fait le plus long ! Je n’ose imaginer la folie que cela va être
( mon aparté à moi non plus !! J ) quand les dates seront annoncées. Mais pour le moment, Michel est le seul maître de son destin. Lui seul prendra cette décision. Il sait qu’il franchira le pas, il en a désormais un besoin viscéral : « La scène est indispensable pour concrétiser visuellement ce disque et rappeler tous les précédents. Je reviendrai plus blond que jamais. Je vais reprendre la muscu et je me présenterai au mieux de ma forme. J’ai trop de respect pour les gens. Les deux mots-clés de ma vie sont « générosité » et « dialogue », quel autre endroit est meilleur qu’une scène pour exalter ces deux besoins ? »P
aradoxalement, Michel, qui a dû se mettre à la pression pour commencer à travailler sur « Kâma-Sûtra » parce que, au départ, il doutait de lui, se retrouve à l’arrivée avec deux réalités qu’il n’aurait jamais osé imaginer : la scène et…un livre : « Pendant un an, Jean-René Mariani a pris des notes. Il en a résulté une somme d’informations dont il aurait été injuste de priver les gens. C’eût été de ma part un manque de générosité vis-à-vis des gens qui m’aiment. Ce sont mes pensées, mes idées, ma philosophie, tout cela rattaché à des faits réels. C’est carrément de la psychanalyse appliquée. »Sa philosophie à Michel, justement, c’est d’abord les autres : « Je ne crois pas en Dieu, mais je crois en l’homme. Je suis toujours totalement prêt à faire confiance à quelqu’un. Pourtant, peu de gens sont capables de vraiment partager les choses. Si, par exemple, on avait fait un disque avec tous les artistes français et étrangers qui sont venus me rendre visite, ça ferait un générique exceptionnel. J’adore tous les artistes, même les faux. Les plus grands aux États-Unis ce sont Michaël Jackson et Prince, et en France, Johnny Hallyday. Mais ma plus grande passion, c’est les sportifs de haut niveau. Je suis vraiment impressionné par Christophe Tiozzo ; et mon plus grand plaisir aura été de rencontrer Pelé. J’étais comme un fou . Je lui piquais tout : maillot, chaussettes, short, tout. »
Michel Polnareff est arrivé à un tournant décisif, un sommet vers son Himalaya. Lui qui se présente comme un « Nomade sédentaire » va-t-il alors bivouaquer ou bien reprendre son ascension ? Il n’a pour l’instant qu’une certitude : « Après ce disque, je peux me retirer ». Prends-ton temps Michel, y’a pas l’feu…