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NUMEROS 1 MAGAZINE, janv.86 :

Une interview avec Polnareff n’est pas une interview comme les autres, car Polnareff n’a jamais été comme les autres. Pour la première fois Numéro 1 fait longtemps le point sur la carrière de cette pop-star française.

26 mois pour en savoir plus sur l’artiste le plus doué et le plus mystérieux de sa génération.

AMOUR : C’est Christophe Colomb qui ne découvre pas l’Amérique.

BILAN : Le public a évolué et m’a suivi. Une chanson représente un souvenir pour celui qui l’achète mais pas pour le créateur. Ces disques sont des périodes de ma vie mais pas des souvenirs. On fait souvent référence au « Bal des Lazes » ou à « Tam Tam » quand on me parle de mon dernier disque, or je déteste le passé. On ne peut rien faire avec le passé tandis qu’on peut diriger le futur. Je ne suis pas un ancien combattant. Si je regarde en arrière, je pense à l’album « Coucou me revoilou », un album crasse ! Seul le titre était bon, il a d’ailleurs été repris partout. Il s’est vendu à 200 000 exemplaires. Les acheteurs ont fait une erreur ou ont été excessivement fidèles. J’ai alors compris la nécessité de sortir de l’autobiographie pour parler du « je » des autres. J’ai décidé de participer de plus en plus à l’élaboration de mes textes, avec Dreau pour « Bulles » et seul dans « Incognito ». On dit que Brel et Brassens sont des grands poètes et Polnareff un grand musicien. Il faut arrêter de ranger les artistes dans des tiroirs, Brassens et Brel ont également écrit de grandes mélodies, et j’ai écrit de très bons textes…

CINEMA : Je n’aime pas ça. Seul Lipstick était formidable. La plupart du temps les musiques de films que j’ai faites étaient des commandes. « La vengeance du serpent à plumes » était au départ très prometteur, mais le film monté devenait décevant. C’est un gâchis pour Farid Chopel et Coluche qui étaient remarquables. Les professionnels du cinéma veulent participer à la musique alors qu’ils n’y connaissent rien. Le cinéma m’intéresse seulement maintenant en tant qu’acteur. Je n’aime pas développer les choses moi-même, mais j’ai envie de donner le fil conducteur de l’histoire. J’aime le cinéma français de Bresson ou de Beinex. J’aime aussi un film jeune comme « Marche à l’ombre », c’est du cinéma américain en français !

DEPRIME : Evidemment j’ai connu des moments de déprime. Partir au bout du monde sans un rond, dans un pays qui n’est pas le sien, en attendant trois ans une carte de résident, c’est pour le moins déprimant…

C’est un problème, une réalité financière, mais je suis avant tout un magicien, je veux arrêter de parler de ces mauvais moments et faire rêver plutôt.

ETHIOPIE : L’échec du concert français ne m’a pas déçu, ça m’a plutôt fait marrer. Ras le bol de l’Ethiopie, je l’avais dit une semaine avant le concert et on ne m’a pas invité…De toute façon, je n’y serais pas allé… Je ne suis pas solidaire de cet événement. Je trouve très triste que les gens meurent de faim en Ethiopie mais tout cela n’est pas clair. Je ne sais pas ce qu’il se passe vraiment là-bas, si ce n’est que ce pays est manipulé par les Russes. Sans faire de nationalisme, je préfère me battre pour une cause comme celle du Sida qui touche la France. Là, je sais où va l’argent.

FANTASMES : Gonzesses, gonzesses, gonzesses. La drague, indispensable...

GRAFFITI : C’est une chanson du nouvel album. Je suis sensible aux graffiti, dans les chiottes par exemple. Cela fait partie de la culture « underground ». On passe de la poésie à la plus grande vulgarité, avec un côté « presse instantanée » que j’aime !

HAS BEEN : Je ne pense pas l’être, je suis intemporel. Je pense être toujours le plus grand en France. A voir les autres évoluer, je trouve qu’il y a de très bons espoirs. J’avais à mes débuts l’énorme avantage d’être le seul à être différent. Je ne peux pas avoir peur des nouveaux talents, cela ne peut que me donner une force supplémentaire. En plus, tout me paraît raisonnable, il n’y a rien de vraiment dingue ! Aujourd’hui je me sens plus proche de Goldman que de Johnny Hallyday.

INCOGNITO : C’est le titre de l’album et un super clin d’œil. Je me montre chauve devant une salle vide. En tournant la pochette, on voit plusieurs Polnareff. C’est le côté mégalo…Tout cela me correspond un peu. La pochette est le reflet de ce que l’artiste représente. L’emballage d’un produit doit en expliquer l’intérieur.

JOURNEE : Il y a des journées très longues, d’autres très courtes. Cette nuit, je n’ai dormi qu’une heure. Je suis quelqu’un de très sain, je fais énormément de sport. A Paris je ne travaille pas. La France est un pays fantastique pour boire, manger, baiser, sortir, se marrer, mais pas pour travailler. Je suis très instable dans la création, je travaille quand je le veux. C’est pourquoi j’enregistre dans un studio privé. Le chanteur ne fait pas un métier, il vit sa folie. Plusieurs fois, j’ai pensé arrêter définitivement, j’avais déjà sacrifié ma vie privée à ma carrière.

KARATE : C’est un sport que j’ai découvert avant d’aller aux U.S.A. Je cherche à me sentir bien dans ma peau.

LOOK : Depuis quelques années, il a changé une dizaine de fois, mais pour les gens, il restera le même tant que je garderai mes lunettes et mes cheveux longs. Je ne peux pas changer de tête ! Je ne compte pas faire de la provocation pour en faire. Si être provocateur pour Polnareff, c’est arriver en smoking, les cheveux ras et sans lunettes, c’est vraiment nul ! Mais j’espère encore, comme à mes débuts, que la musique est ce sur quoi on me juge.

MITTERAND : Il a été ma « vedette américaine » pendant une semaine, avant d’être président, il y a une douzaine d’années. Il était sympa, mais il faisait des erreurs sur ses entrées en scène…

NUIT : Cela revient à des dragues. J’aime les nuits parisiennes, de temps en temps. Je vais en boîte, surtout à l’Atmosphère.

OBSESSION : Cul…

PEDE : J’ai fait « Je suis un homme » pour dire que je ne l’étais pas, mais ceux qui pensent que je suis homosexuel, continueront de le penser quoique je dise. Je suis différent, et ce public se rassure en pensant que je suis homosexuel. Si j’étais pédé, je le dirais, car ce serait trop con de rater des occas. ! Je suis très ouvert sexuellement, mais les mecs, ce n’est pas mon truc. Aujourd’hui je pense que tout le monde s’en fout. Par contre, il y a le problème du Sida, qui n’est pas exclusivement lié aux homosexuels, sinon je ne m’en inquiéterais pas.

Q : Q comme cul…

RACISME : On est tous racistes, cela fait partie de la nature humaine. Il y a une multitude de racismes, même entre français…Pour ma part, j’ai adopté il y a 13 ans un petit marocain.

SON : Pour mon disque « Incognito », je suis resté un an et demi dans un studio à Los Angeles. C’est un travail à la limite du fastidieux qui aurait coûté 4 à 5 milliards dans un studio normal, ce que personne au monde ne pourrait se payer pour ce genre de travail de recherche. J’adore le fairlight, je travaille avec des ordinateurs. Je cherche un son moderne et révolutionnaire. J’ai l’impression que « les artistes locaux » commencent à soigner le son de leurs disques. C’est peut-être nouveau pour eux, mais pas pour moi… Le plus souvent ils le font par l ‘intermédiaire de professionnels du son, j’ai toujours fait cette recherche moi-même. Avant j’étais le seul, maintenant je suis seulement le meilleur…

TELEVISION : L’artiste peut parler mais ne doit pas trop être vu. Ce n’est pas la presse qui a changé mais le visuel par rapport à l’artiste. J’ai vu des nouveaux très bons chanteurs mais pas de star, alors que c’est le plus important. Il faut amener du rêve, la réalité ne m’intéresse pas. Je suis là pour échapper au quotidien. Je déteste la télévision. J’ai horreur de mettre ma vie, mes émotions entre les mains de gens qui ne savent pas les recevoir. « Le jeu de la vérité » était un gros test de popularité. Mais si on te dit pendant une heure et demi qu’on t’aime, où est le muscle journalistique ? Ce n’est pas en me demandant ce que je donne à manger à mon mainate qu’on peut se rendre compte de ce que représente Polnareff. J’ai été touché par la gentillesse des gens tout en étant terrorisé par l’émission. Ce « jeu de la vérité » est une grande connerie. Je ne voulais pas le faire mais il aurait été pire de me défiler. Je l’ai fait la mort dans l’âme, simplement pour montrer que je n’avais pas peur de la vérité… Pourtant la vérité est sans intérêt. Tout le monde est en face d’une réalité. Le spectacle doit être une tricherie permanente.

.Résultat : la popularité est là, il faut recommencer à créer et à redéconner !

La lettre de Cerrone ? Il avait demandé à participer à cette émission mais il n’a pas eu le courage de s’exprimer. Ce n’est pas une polémique mais une lettre qu’il a écrite dans Libération pour se faire de la pub, à laquelle je n’ai pas répondu…Je sors du conservatoire, il sort d’un magasin de disques. On m’avait demandé les chanteurs français connus aux U.S.A, j’ai répondu le mime Marceau et Jacques Cousteau. Si on m’avait posé la question à propos des musiciens, je n’aurais toujours pas cité de personnage. Je n’y aurais même pas pensé…J’aurais évoqué Maurice Jarre et Michel Legrand.

Ce n’est pas moi qui ai parlé de Sylvie Vartan, c’était un coup bas inutile. Mais je ne pouvais pas expliquer que j’étais inconnu aux U.S.A, en ne disant pas par ailleurs que d’autres le sont également. Je serais passé pour un con. Les U.S.A m’ont accueilli et ont fait davantage pour moi que mon propre pays. Je suis résident américain mais ne prendrais jamais la nationalité américaine. C’est un pays immense avec les qualités et les défauts des grands. Reagan est un excellent président pour l’Amérique, mais pas pour la France, de même que je ne verrais pas Mitterrand gouverner l’Amérique..

VOYAGES : L’Amérique, la France, le Japon, la Grèce, le Maroc. En ce moment, j’ai « le cul » entre deux océans. Chacun des deux pays me manque quand je le quitte. Je suis français, j’aime les U.S.A…

J’essaie d’aller le plus vite possible de l’un à l’autre pour ne pas oublier ce qui se passe là où je ne suis pas…

WEEK-END : Je déteste les week-ends, cela n’existe pas pour moi. Il n’y a pas de fêtes pour les artistes. On travaille quand on le sent.

YACHT : Je ne déteste pas le luxe. C’est sympa de savoir l’apprécier. J’aime vivre avec des gens qui savent bien dépenser leur pognon.

ZENITH : Je ne suis pas au zénith de ma carrière. Il y a même un petit flottement car je cherche ce que le public attend de moi et ce que j’ai envie de lui donner. Les deux sont compatibles. Mon examen de passage, mon vrai retour se fera sur scène. Je voulais un stade pour un soir, un retour exceptionnel pour qu’on cesse de parler de « l’éternel retour de Polnareff ». Mais il y avait des problèmes de sécurité après le match de Bruxelles, un problème de climat et de temps. En attendant, je regarde les expériences des chanteurs « locaux », qui voient trop grand ou trop petit. Je ne te donnerais pas de date précise, mais cette scène se fera très vite.


 Marc THIRION.