Echo subliminal au fameux « Michaël est de retour, alléluia »,
l'incroyable, l'inespéré, est sur le point de se produire : après
plus de trente ans d'absence, Michel Polnareff renoue avec la scène
française le 2 mars 2007. Non seulement il affiche complet pour les dix
représentations du Palais omnisports de Paris-Bercy (soit 140 000
places, performance déjà exceptionnelle), mais des villes ne cessent de
s'ajouter à sa tournée prévue ensuite.
Cet
engouement populaire, qui dynamite les prévisions les plus optimistes,
provient d'au moins trois raisons : mélodiste hors pair, Polnareff
s'est fait instantanément connaître par une poignée de tubes (La poupée qui fait non, Love me, please love me, Le Bal des Laze...)
à la fois intemporels et indissociables de sa voix aérienne si
personnelle ; l'absence, le mystère et l'exil au pays des stars ont
dessiné et entretenu un mythe vivant absolument unique ; de façon
délibérée ou non, la production discographique de plus en plus
homéopathique du chanteur a ciblé trois générations : celle des ados «
historiques » friands de guitare de 1966, celle de l'album Bulles (très synthés) de 1981 et celle du Live at the Roxy
de 1996. Sauf catastrophe improbable, cette nouvelle génération qui va
le découvrir de visu sur scène - la veinarde - devrait lui assurer une
adulation définitive.
Outre
sa fibre mélodique et vocale d'exception, Michel Polnareff a bénéficié
de nombreux autres atouts et a su remarquablement s'entourer.
Enregistrant d'emblée en Angleterre avec des musiciens prestigieux (tel
Jimmy Page, futur guitariste de Led Zeppelin), l'ex-beatnik
montmartrois peu soucieux de textes en français s'est très vite armé
d'auteurs efficaces et talentueux, de Frank Gérald à Pierre Delanoë et
Jean-Loup Dabadie. De la même façon, son imagination débordante lui a
inspiré des mises en scène « polnarévolutionnaires », l'amenant à
soigner la lumière et à dém arrer avec l'un des maîtres contemporains
de l'exercice : Jacques Rouveyrollis ; le chanteur se montrera tout
aussi précurseur au plan du son, les dernières innovations techniques
(dont l'ordinateur nouveau-né) devenant même sources d'inspiration.
Enfin, le personnage aura largement catalysé l'artiste un brin provocateur (L'Amour avec toi, Je suis un homme)
et façonné son culte. Entre les marches du Sacré-Cœur, les fesses
affichées sur les murs de Paris, le look ébouriffant aux blanches
lunettes tape-à-l'œil, les démêlés avec le fisc, l'exil d'orée
hollywoodienne, la réclusion au-dessus d'un bar-tabac provincial
précédant les huit cents jours dans un palace parisien, l'angoissant
problème de vue et l'opération finale des yeux, l'interview luxueuse en
plein désert... la vie du Roi des fourmis figure un véritable
roman à rebondissements. L'épopée épicurienne d'un arlésien sachant
cultiver le manque, et qui avouait sans détour il y a vingt ans (à Marc
Robine, pour Paroles et Musique n° 64, novembre 1986) : « Je suis quelqu'un de très paresseux et qui pense que la vie personnelle doit passer avant la vie publique. » D'où la frénésie compréhensible d'achat de places pour ses concerts de 2007...